L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 proroge les délais qui expirent entre le 12 mars 2020 et la fin du mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Quatre ordonnances émanant du ministère de la justice ont été prises en application de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, art. 11, I : JO, 24 mars).
Elles organisent le déroulement des instances en cours et à venir :
- en adaptant au contexte actuel les règles de procédure pénale (Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020), les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété (Ord. n° 2020-304, 25 mars 2020) et aux juridictions de l’ordre administratif (Ord. n° 2020-305, 25 mars 2020) ;
- en fixant un mécanisme général de prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire (Ord. n° 2020-306, 25 mars 2020).
Cette dernière ordonnance fait l’objet d’une circulaire dédiée (Circ. 26 mars 2020, NOR : JUSC 2008608C : BOMJ compl., 27 mars).
Ces dispositions générales de prorogation des délais s’appliquent notamment au contentieux de l’urbanisme.
Quels sont les délais concernés par ce dispositif ?
Le dispositif de prorogation couvre les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré (Ord., n° 2020-306, 25 mars 2020, art. 1er, I).
Sa portée est donc rétroactive.
Attention : Ne bénéficient d’aucun report les délais :
- qui sont arrivés à terme avant le 12 mars 2020 ;
- qui arriveront à terme après l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Selon la loi du 23 mars 2020, la fin de période d’urgence sanitaire doit intervenir, au plus tard le 24 mai 2020, sous réserve qu’elle n’ait pas été décrétée par anticipation et que la période d’urgence sanitaire elle-même n’ait pas été prolongée (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, art. 4).
En l’état actuel des choses, la période de référence pour appliquer le régime de prorogation des délais s’étend du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.
Comment ces délais sont-ils prorogés ?
L’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 dispose que :
« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période d’interruption sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois »
Cela signifie que l’acte ou le recours effectué après la date ou le terme initialement prévu ne sera pas regardé comme tardif s’il est intervenu avant l’expiration du délai supplémentaire octroyé par l’ordonnance.
A l’issue de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, un nouveau délai, égal au délai initial, recommence à courir.
Ce délai supplémentaire ne peut toutefois excéder 2 mois :
- Soit le délai initial était inférieur à 2 mois et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement,
- Soit il était supérieur à 2 mois et il doit être effectué dans un délai de 2 mois (Circ., 26 mars 2020, p. 5).
Dans l’hypothèse où l’état d’urgence sanitaire ne serait ni arrêté par anticipation ni prolongé, les délais de recours recommenceront à courir à compter du 25 juin 2020, pour leur durée initiale, dans la limite de 2 mois.
Au plus tard, les délais reportés expireront donc le 24 août 2020 inclus.
Quelles implications pour le contentieux de l’urbanisme ?
L’organisation des juridictions administratives pour faire face au Covid-19 fait l’objet d’une ordonnance dédiée (Ord., n° 2020-305, 25 mars 2020 : JO, 26 mars).
Outre l’adaptation des procédures (actes d’instruction, délais de jugement, audiences, etc.), elle prévoit, en son article 15, que la mesure générale de prorogation des délais s’applique devant le juge administratif, sauf dérogations en matière de droit des étrangers, de droit électoral et d’aide juridictionnelle.
Le contentieux administratif de l’urbanisme entre donc pleinement dans son champ d’application.
Concrètement, sont concernés les décisions (permis de construire, d’aménager, de démolir ou déclarations préalables…) et les documents d’urbanisme, valablement notifiés, affichés ou publiés avant le 12 mars et pour lesquels les délais contentieux viendraient à expirer durant la période de référence.
Ces décisions et documents ne devraient être purgés du risque contentieux qu’à l’issue d’un délai de 2 mois courant à compter de la fin de la période de référence (soit au mieux, pour l’heure, le 25 août 2020).
Attention : l’ordonnance ne joue pas sur le point de départ du délai, de sorte que l’affichage réalisé pendant le moratoire déclenchera le délai de recours qui, le cas échéant, pourra être prorogé au bénéfice des tiers.
La question se posera alors de savoir comment rapporter la preuve de la régularité d’un affichage réalisé en période de confinement.
Il serait donc prudent d’attendre la fin de cette période moratoire pour éviter de fragiliser de l’autorisation.
A titre d’exemple, et à supposer que l’état d’urgence sanitaire ne soit ni prorogé, ni interrompu par anticipation :
- un permis affiché le 10 février, avant la période de moratoire, pour lequel le délai contentieux expire normalement le 11 avril (au cours de la période de moratoire) est exposé à un recours des tiers jusqu’au 24 août (inclus) ;
- un permis affiché le 10 avril pour lequel le délai contentieux expire normalement le 12 juin (soit dans le mois qui suit la cessation de l’état d’urgence sanitaire) peut également faire l’objet d’un recours jusqu’au 24 août (inclus) ;
- un permis affiché le 10 mai, dont le délai de recours expire normalement le 11 juillet (en dehors de la période de moratoire) n’est pas concerné par le report : l’expiration du délai aura donc lieu le 11 juillet, soit bien avant celle concernant le permis affiché en février !
En toute logique, la prorogation devrait également concerner les autres délais spécifiques, tels que :
- La formalité de notification prescrite par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ;
- La nécessité de confirmer la requête au fond dans le mois suivant le rejet d’un référé-suspension (C. just. adm., art. R. 612-5-2).