Quel lien de filiation pour l’enfant né d’un homme devenu femme à l’état civil après changement de sexe ?

Quel lien de filiation pour l’enfant né d’un homme devenu femme à l’état civil après changement de sexe ?

C’est à cette question qu’a dû répondre la cour d’appel de Montpellier dans un arrêt inédit du 14 novembre 2018, la loi étant muette sur le sujet.

En effet, tant les dispositions relatives à l’adoption de l’enfant, que celles relatives à la filiation par le sang n’étaient d’aucun secours dans cette espèce.

La cour a donc fait preuve de création prétorienne en décidant d’établir judiciairement la filiation entre l’enfant et la requérante : cette dernière devra être désignée comme « parent biologique » dans l’acte de naissance.

« Même si la cour considère que notre droit offrait la possibilité à Mme X, tout en conservant son identité de femme, de se reconnaître comme le père biologique de l’enfant Y, […], le droit au respect de la vie privée de Mme X, dans la mesure où il n’est pas incompatible avec l’intérêt supérieur de l’enfant, qui doit prévaloir en tout état de cause, exclut qu’on puisse lui imposer cette reconnaissance de paternité.

Imposer à Mme X un retour à l’ancien sexe, même par le détour limité au rétablissement de la présomption de paternité, reviendrait en effet à la contraindre de renoncer partiellement à l’identité sexuelle qui lui a été reconnue et constituerait une ingérence dans le droit au respect de sa vie privée et de celle de l’enfant, dans la mesure où chaque production de son livret de famille serait l’occasion d’une révélation de la transidentité de son auteur, nonobstant par ailleurs le risque pour l’un et l’autre de discrimination ou d’intolérance.

Dans ces circonstances, il est apparu à la cour qu’outre la reconnaissance de la pleine autorité parentale à Mme X, il convenait de faire droit à la demande subsidiaire de Mme d’établir judiciairement la filiation de Y à l’égard de ses deux parents biologiques, seule la mention sur l’acte de naissance Y de Mme X comme « parent biologique » étant de nature à concilier l’intérêt supérieur de l’enfant de voir établie la réalité de sa filiation biologique avec le droit de X de voir reconnaître la réalité de son lien de filiation avec son enfant Y et le droit au respect de sa vie privée […], le terme de « parent » – neutre – pouvant s’appliquer indifféremment au père et à la mère, la précision « biologique » établissant de son côté la réalité du lien entre Mme X et son enfant ».